Quantcast
Channel: Nota Bene
Viewing all articles
Browse latest Browse all 713

Le silence des oiseaux

$
0
0

 

 

La quatrième de couverture :

 

Enfermé au bagne de Belle-Île pour avoir volé un morceau de lard, Marcel n'est plus que l'ombre d'un enfant. Pourtant, une petite flamme reste allumée au fond de son âme. S'il essaie de s'échapper, Marcel risque la noyade. Mais s'il ne tente rien, cette petite flamme pourrait s'arrêter de briller pour toujours...

Un récit poignant inspiré de l'histoire méconnue des prisons pour enfants.

 

 

Mon avis :

 

Une magnifique couverture, un titre évocateur de la douceur du bord de mer et en même temps bien mystérieux, un ancrage régionnal : il ne m'en fallait pas davantage pour succomber à la tentation et ajouter ce récit à ma pile de lectures de vacances.

 

En réalité c'est une histoire assez sombre qu'à chercher à faire partager Dorothée Piatek. S'inspirant de documents d'archives et de témoignages, l'auteur nous livre l'histoire douloureuse d'un enfant, porte-parole de tous ceux ayant séjournés à la prison pour enfants de Belle-Île entre 1880 et 1977. Sous prétexte de remettre ces enfants dans le droit chemin et de les former au métier de marin, on va leur faire subir un enfermement et un isolement doublés d'une maltraitance à la fois psychologique et physique. Notre jeune protagoniste, Marcel, abandonné dès sa naissance, balloté de famille d'accueil en famille d'accueil, rendu corvéable à merci, sera accusé d'avoir volé un morceau de lard et de s'être battu avec l'aîné de la famille. Il sera pour cela envoyé au bagne de Belle-Île à 12 ans et ce jusqu'à sa majorité (de 21 ans à l'époque). On est donc immergé dans les pensées de Marcel. C'est maintenant un adolescent de 16 ans désoeuvré et affaibli par les humiliations incessantes des gardiens : leurs coups, leurs tentatives d'attouchement, les séjours au "mitard", le froid, la faim... S'ajoute à cela la rivalité entre camarades de cette dure prison. Mais Marcel garde au fond de lui la volonté de s'échapper... à tout prix. La fin ouverte nous laisse en bouche un goût amer.

 

Le récit est entrecoupé de poèmes élaborés en collaboration avec un slameur/rappeur, ARM des Psykick Lyrikah, qui en a ensuite mis certains en musique. D'autres morceaux disponibles à l'écoute sont de lancinantes musiques d'ambiance. L'auteur dit avoir voulu associer "aux mots qui racontent, dénoncent et rendent hommage [...] la force de la musique des générations d'aujourd'hui". Le résultat de ce travail collectif est à découvrir ici. D'autres informations (préface, bande annonce...) sont disponibles sur le site de l'auteurMême si je ne suis pas séduite outre mesure par le traitement musical opéré, l'initiative est dans l'air du temps et offre une nouvelle dimension à la lecture. C'est donc un roman original, sombre et bien documenté pour "lutter contre les amnésies de l'histoire".

 

 

Des extraits :

 

  • "Je marchais sur la grève, lentement, observant l'horizon. Je suivais les oiseaux, leur silence lourd résonnant dans ma tête, puis je fermais les yeux. Dans ma poitrine, le poids de la tristesse semblait ralentir les mouvements de mon coeur. personne, jamais, ne viendrait me chercher." (p. 106)

 

  • "- Moi, c'est Marcel. Je suis là depuis tant d'années que j'ai cessé de les compter. Personne n'est tendre ici. Il faudra que tu apprennes à te défendre et repérer les vrais mauvais. Je te guiderai, mais saches que c'est chacun pour soi. Si tu n'as pas envie de devenir la femme de celui qu'on surnomme Grand Frère, tiens, regarde, celui qui se tient contre le mur des chiottes, tu viens me voir dès qu'il s'approche de toi. Sinon, tu te démerdes. Compris ?" (p.122)

 

  • "Sous les voiles de misaines repliées avec art sur leurs bômes dormaient quelques marins rentrés tôt de la pêche. Originaires de Douarnenez ou Concarneau, ils attendaient que le temps se calme pour reprendre la mer. On annonçait une forte tempête et la brume obstruait l'horizon. Les maisons rangées le long du quai et du bassin se détachaient une à une, dévoilant leurs charmes lentement, comme une femme dévoile ses jambes." (p. 129)

 

 

Piatek, Dorothée.

Le silence des oiseaux

Ed. du Seuil

2014/177 p.

 


Viewing all articles
Browse latest Browse all 713

Trending Articles