Envoyé dans les collèges juste avant les vacances de Pâques :
La quatrième de couverture :
"- Puis-je te confier un secret, mon ami ? Je suis un résistant !
Les vieux, parfois, ça débloque, ça s'emmêle les pinceaux, ça perd la mémoire, ça mélange les époques... Visiblement, M. Pavot a oublié que la guerre est finie."
Thomas en est sûr, M. Pavot est cinglé. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de résistant ? Et ces mots sans queue ni tête qu'il emploie à tout bout de champ ? Pourtant, le collégien accepte d'aider ce nouveau voisin à déballer ses cartons. Une décision qui va changer sa vie...
Mon avis :
Ayant découvert Yaël Hassan avec Rue Stendhal l'année dernière, j'étais perplexe. Un énième roman pour les 6e sur le thème de la transmission, avec le style un brin pédago de la dame ? Pourtant, ma collègue de français l'ayant lu pendant les vacances et étant tombée sous le charme, elle a souhaité terminer l'année avec sa classe de 6e sur un groupement d'oeuvres de Yaël Hassan (Un grand-père tombé du ciel, Momo, petit prince des Bleuets, Rue Stendhal et "Suivez-moi-jeune-homme"). Je me suis donc empressée de lire ce court récit.
Le narrateur en est Thomas, collégien qui fait un jour la connaissance de son nouveau voisin M. Bernard Pavot, président de la SPDM (Société Protectrice Des Mots). Grâce à lui, Thomas va découvrir les plaisirs de la langue française puis du slam, qui va lui permettre de gagner en assurance. Sur fond d'histoires d'amour et d'amitié, le roman aborde les thèmes de l'intergénération, du handicap et de l'amour de la langue française comme vecteur d'ouverture et de tolérance.
J'ai malheureusement retrouvé dans ce récit ce qui m'avait déjà gênée chez l'auteur lors de ma précédente lecture : trop de bons sentiments, une façon de faire parler les jeunes personnages pas toujours très crédible, une fin trop pataude... En revanche, le lecteur se retrouve au fil du récit intrigué, séduit ou amusé par l'utilisation de tas de mots plus ou moins tombés en désuétude tels que : billevesées, melliflu, bath, mirlifore, clampin, babillarde, génitoires, vétilles... C'est finalement un roman rafraîchissant qui vaut le détour pour ceux qui voudraient découvrir de nouveaux mots afin "de les apprécier, de les dire, murmurer, susurrer, caresser et, pourquoi pas, d'en adopter certains au passage !" comme le suggère Yaël Hassan en préambule, inspirée par les 100 mots à sauver de l'amoureux de la langue française Bernard Pivot. Sans être renversant, ce roman ouvre donc une porte sur les possibles poétiques du vocabulaire français et nous offre l'occasion de nous en esbaudir.
Des extraits :
p. 20
"- Et toi, aimes-tu les livres ? me demande-t-il, me tirant de mes pensées profondes.
- Ca dépend... Je n'en achète pas beaucoup, mais j'aime bien aller dans les grandes librairies pour en feuilleter...
- Cela s'appelle de la bauderie littéraire... Je m'y livre aussi quelquefois, ah ah !
Je ne vois pas ce qu'il y a de marrant et reste de marbre.
- Je m'y livre... Drôle, non ? Rien de pire qu'un bon mot qui tombe à plat ! [...]"
p. 37
"Je m'allonge sur mon lit, le portable à portée de main, à portée de coeur surtout, et j'ouvre le dico à la lettre A."
p. 53-54
"Ce suivez-moi-jeune-homme est un terme désignant les rubans qui ornaient les chapeaux des dames et qui, de par leur flottement gracieux au vent, invitaient les jeunes gens à les suivre."
On peut lire aussi :
Sur le thème du slam : Brise glace de Jean-Philippe Blondel,
Sur le thème de l'intergénération : Jacquot et le grand-père indigne d'Yves Grevet, C'était mon oncle ! d'Yves Grevet, Une histoire à vieillir debout de Carole Prieur, Swing à Berlin de Christophe Lambert, Pépé la boulange d'Yvan Mauffret, Rue Stendhal de Yaël Hassan (qui aborde également le thème de l'écriture !), Premier chagrin d'Eva Kavian, Le jour où j'ai abandonné mes parents d'Agnès De Lestrade, Oscar et la dame rose d'Eric-Emmanuel Schmitt...
Hassan, Yaël.
"Suivez-moi-jeune-homme"
Ed. Casterman
Coll. Poche
2014/106 p.