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Un miracle en équilibre

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Couverture de Un miracle en équilibre

 

 

La quatrième de couverture :

 

Lettre ouverte d'Eva à sa fille qui vient de naître, Un miracle en équilibre est une longue adresse affectueuse et drôle, piquante et poétique, où une mère dit à son enfant le bonheur qu'elle a de l'avoir conçue, portée, mise au monde, et dans quel monde ! Elle dit aussi la complexité des choix, les désirs multiples et parfois contraires qui tiraillent le coeur de la femme moderne : être indépendante, attirante, active, aimante, exemplaire, l'une après l'autre ou toutes à la fois.

 

 

Mon avis :

 

Ecrit par l'espagnole Lucia Etxebarria que je découvre avec ce roman, Un miracle en équilibre est le journal d'une mère à sa fille dans les semaines qui suivent sa naissance : "Tu es âgée de onze jours. Et je me suis juré que j'allais m'asseoir devant l'ordinateur et n'en plus bouger pendant deux heures, jusqu'à ce que j'ai au moins écrit quelques pages", lui confit-elle. La narratrice, Eva, précise que ce qu'elle va écrire "ne sera qu'une cascade de notes désordonnées".

 

Et en effet, le style qui en découle est quelque peu déstabilisant : les phrases paraissent ne jamais devoir finir et essoufflent le lecteur. La narratrice déverse ainsi son flot de pensées. Elle revient sur son histoire familiale et son évolution personnelle, naviguant entre considérations générales sur la vie et anecdotes parfois amusantes et parfois graves. De son passé très alcoolisé, Eva ne cache rien à sa fille et aborde des tas de sujets : l'amour, le sexe, les pulsions, les frustrations, les hauts et les bas professionnels, l'addiction, la famille, la filiation, l'amitié, la mort... La mère d'Eva tombe en effet gravement malade et décèdera à l'hôpital sans avoir repris conscience. Eva est donc à un tournant de sa vie et ressent le besoin de construire un pont entre son passé (incarné par sa mère mourrante) et son avenir (sa fille qui vient de naître). De son infériorité en tant que fille et soeur de à son nouveau rôle de mère, en passant par une adolescence rebelle et une jeunesse errante et narcotique, Eva touche à de multiples facettes de la femme moderne. On note d'ailleurs - malheureusement peut-être - que les rôles masculins n'ont pas la part belle.

 

Au travers ce puzzle d'une vie, l'auteur évoque en réalité le thème de la féminité : de l'affirmation de soi, de la maternité, de la transmission... C'est ce qui m'avait dirigée vers cette lecture et - sans pour autant m'identifier totalement à la narratrice - c'est en effet ce qui m'a séduite. De manière drôle ou pathétique, parfois exubérante, le récit (divisé en trois parties : L'effet Bambi, Cette vallée de larmes et Les seules familles heureuses) offre à son lecteur des réflexions intéressantes sur le sens à donner à sa vie.

 

 

Quelques extraits :

 

  • "Tu as passé toute la matinée à pleurer, et quand il s'est avéré que ce n'était ni parce que tu voulais manger (tu m'as recraché le lait à la figure avec indignation), ni parce que tu avais besoin de ta tétine (que tu as recrachée aussi), ni parce que tu avais sali ta couche, j'ai compris que la seule chose que tu voulais, ma petite emmerdeuse gâtée pourrie, c'était que je te prenne dans les bras, si bien que je suis en train d'écrire en te tenant dans mes bras, position extrêmement inconfortable pour moi mais qui semble t'enchanter, car maintenant tu es sage comme une image, tu regardes alternativement ta mère et le clavier, avec la plus grande attention, comme si tu envisageais sérieusement la possibilité de suivre, quand tu seras grande, les traces de celle qui t'a mise au monde (vu la façon dont ça s'est passé pour moi, je te le déconseille de tout cœur)." (p. 68)

 

  • "Tu n'imagines pas combien il m'est douloureux d'écrire cela, car toute ma vie j'ai rêvé d'avoir une famille idyllique qui m'aime inconditionnellement, une famille de série télévisée américaine, un havre où trouver refuge en cas de besoin. Et combien il m'est douloureux de considérer une illusion comme révolue. Cette illusion que nous caressons tous, mais qui ne peut se matérialiser dans la vie réelle. Car aucun être humain n'est parfait, et il n'y a donc pas de famille parfaite. Si les séries télévisées nous apprenaient plutôt que toutes les familles, toutes, sont fondées sur des liens d'affection et de complicité, mais que ces liens s'entrelacent de façon confuse avec d'autres qui ont nom jalousie, trahison, désillusion, envie, nous décevrions moins nos parents, nos frères, nos soeurs, et nous apprendrions à estimer chaque famille pour ce qu'elle est : ni meilleure ni pire, différente. Ou identique, si on veut. C'est évidemment une chose douloureuse à admettre. Il est douloureux de grandir. Mais comme dit ce chanteur italien : je suis désolée, la vie est comme ça, ce n'est pas moi qui l'ai inventée." (p. 471)

 

  • "Je me suis laissé piétiner autrefois, mais c'est fini : je refuse que tu me vois pleurer ou déprimer. On ne peut pas changer le passé, mais on peut changer d'attitude envers lui, réagir autrement face aux souvenirs et face au présent. Ce que j'ai appris, c'est que j'ai non seulement le droit d'être heureuse, mais surtout, depuis que tu es née, le devoir de l'être." (p. 491)

 

 

Etxebarria, Lucia.

Un miracle en équilibre

Ed. France Loisirs

Coll. Piment

2006/501 p.

 


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